Un long voyage

Il y a longtemps que j'attendais ce jour, fixant l'horizon, regardant rêveuse, le soleil se coucher à l'ouest ou lors de mes promenades le long de l'Isère, me demandant jusqu'ou vont les rivières et les fleuves qui coulent en direction du couchant...

Les hautes cîmes eneigées des Alpes, monstrueuses sentinelles dressées à l'est de la Savoie ne m'ont jamais attirées... seul m'intrigait la destination de l'eau qui s'écoule jour et nuit vers ce qu'on appelle la mer et que je ne connais pas.

Il est arrivé que des hommes beaux et forts cherchent à me séduire et à gagner mon coeur.... Il est arrivé aussi qu'on m'invite aussi à me joindre à un groupe ou à accompagner un trop séduisant voyageur dans ses courses.... J'ai souvent dit en taverne qu'un jour je partirais vers la Bretagne, vers cette terre libre baignée par l'océan dont j'avais entendu parler aux veillées. J'en ai rêvé souvent, j'en ai parlé parfois, mais jamais je n'ai osé franchir le pas, vendre mon champ et quitter mon village.

Il y a deux jours, j'ai rencontré un cavalier à la taverne. Ce voyageur n'a pas l'air riche, ses vêtements et ses bottes sont usés par l'usage. Je ne sais rien de lui, mais j'imagine sans peine qu'il voyage depuis des lunes loin de chez lui. Quand j'ai appris qu'il partait vers l'ouest, je lui ai demandé la permission de l'accompagner. A ma grande surprise il a accepté.

Pourquoi ai-je en confiance en lui alors que j'ai refusé de partir avec d'autres ? Je ne saurais le dire, mais ce que je sais, c'est que j'ai vendu mon champ et acheté des provisions pour la route. Mon sac est fait, je suis prête à partir.

Au matin, Abbar m'attendait. Il devait être prêt depuis longtemps déjà. On s'est mis en route sans plus tarder.

En chemin il m'a parlé un peu de sa vie, de son arrivée à Fougères avec les armées enemies, comment il a combattu puis a été fait prisonnier... Comment il a rencontré les Bretons... Et comment, à la fin de la guerre, il est retourné s'installer à Fougères....

J'essaye de disimuler ma fatigue, je ne suis pas habituée comme lui a marché plusieurs heures par jour. Je serre les dents, il fait décidement de biens grands pas... N'est-il jamais fatigué lui ?

Nous arrivons enfin à Mâcon, et nous y restons un jour, le temps pour moi de me procurer une arme et de travailler pour 23 ecus ! eh oui, j'ai enfin 20 points de force ce qui m'a permis, avec un peu de chance de décrocher ce super job !

Nous sommes arrivés à Chalons... le voyage s'est bien passé et la pluie qui a menacé tout le jour n'est finalement tombée que le soir.

Nous avons trouvé refuge dans une grange. Nous apprenons que le Poitou a fermé toutes ses frontières... Nous ne sommes pas encore en Bretagne...

A Chalons, nous avons profité de la foire mensuelle pour nous procurer des montures. Abbar m'a aidé dans le choix de mon cheval, et il a promis qu'il allait m'enseigner à monter... Il a choisi pour moi un hongre baie, qui porte un poil etonnement long. Il a une tête un peu lourde, des oreilles un peu longues... mais il a l'air docile et solide comme un mulet... Je ne le trouve pas particulièrement élégant... mais Abbar m'a fait remarqué avec qu'il devait servir à voyager et non à parader. J'ai donc fait ma première étape à cheval, et nous sommes arrivés à Semur sans encombres. A ma grande consternation, c'est presque aussi fatiguant que de marcher.

Ce matin je me suis reveillée avec les pire courbatures que je n'aie eu de ma vie, et Abbar n'a pu s'empecher de rire en me voyant marcher... Demain nous serons à Tonnerre si je parviens à me hisser sur mon cheval !

Le matin se levait quand nous sommes arrivés sans encombre à Tonerre... Chikaka nous atendait, les chevaux auront une écurie, du foin et des cereales... Nous sommes accueillis dans une maison. Je savoure le confort d'une demeure, bien consciente que c'est peut-etre la dernière fois peut-etre avant longtemps que nous aurons un toit, un feu et de la nourriture chaude.

Le couvre-feu a été instauré, l'armée a reçu ordre de masacrer quiconque s'aventure hors des villes et des villages.

Abbar compte repartir ce soir. Nous mangeons en silence, mesurant le danger qui nous attend. Encore une fois, nous nous déplacerons de nuit pour ne pas attirer l'attention.

Chika a préparé un lit pour moi... quel luxe...! Je m'effondre assommée de fatigue et sombre dans un someil agité peuplée d'ombres et de chevaux sombres...

Je rêve que galoppe dans un plaine immense et sans horizon poursuivie par des cavaliers en armures qui me suivent de près, armés de lances ou le sabre au clair, menaçants ...

On me saisit par l'épaule... on me secoue... J'ouvre les yeux, Chika me sourit. Le soir tombe sur la campagne, il est temps de se remettre en route.

Nous préparons les fontes et rejoignons Abbar qui a sellé les chevaux. Nos maigres bagages sont fixés aux trousequins et tenant nos montures par la bride, nous quittons discretement le village.

Ayant mis pied à terre, Lindya masse ses cuisses douloureuses en riant.

Oui, merci, tout va bien, mais je t'avoue que je suis heureuse d'être arrivée... Mais il est pas question que tu prennes soin de Sire... Je vais le panser moi-même... Je crois que je commence à m'attacher à lui... et je lui dois bien celà après tout...

Le cheval s'est mis à brouter avec avidité des touffes d'herbes jaunies. La jeune fille lui pose les entraves et le déselle. Apres un pansage sommaire, il aura tout loisir de divaguer dans les environs du bivouac pour trouver un peu de nourriture.

Chika sourit à Lindya et s'occupa de Zéphyr également. Elle lui enleva la selle et le prit le temps de le brosser. Il brouta l'herbe qu'il put trouver.

Elle carressa l'encolure de l'étalon noir et se dirigea vers la couverture pour nourrir l'ourson.

Hey Leny, la couverture n'est pas pour toi. Pousse toi, tu peux très bien dormir sur les feuilles mortes.

Il va falloir que je te dresse un peu, tu es trop gâté là.

Elle caressa la tête de l'ours albinos. Elle s'était attachée à lui et lui à elle. La mairesse de Tonnerre l'avait trouvé près de sa mère morte, tuée à la chasse et l'avait ramené le jour même de mon arrivée. Elle me l'avait offert comme cadeau de bienvenue. La petite boule de poil m'avait tout de suite adopté et ne me quittait plus.

Elle tendit ensuite une tasse de boisson chaude à ses deux amis et sortit des gâteaux, de la viande sèchée et des fruits.

A table mes amis et ensuite on prendra du repos.

Abbar s'installa sur la couverture près d'eux et leur donna la direction pour demain.

Merci Chika, ça fait du bien de se restaurer. Alors on va se reposer un peu, quelques heures seulement et nous prendrons la direction de Bourges. Demain on devrait y être. Nous verrons là-bas si nous sommes trop fatigués, nous y ferons une pause. Ca vous va les filles ?

Chika est heureuse elle va enfin pouvoir voir son frère en taverne et faire la connaissance de sa femme et de leur petite Clotilde. Lindya et elle aquiescèrent à Abbar. Même si la fatigue se faisait énormément sentir, elles ne voulèrent pas le montrer. Elles se hâtèrent donc de manger et se glissèrent sous les couvertures pour dormir un peu.

Ces deux jours de "repos" étaient plus que bienvenus, ma apres deux jours passés à la mine sans voir la lumière du jour, Lindya se réjoui de reprendre la route.

Il fait encore nuit lorsqu'elle s'affaire à l'écurie à nourrir les chevaux et à les panser. Dehors un brouillard epais et peu engageant recouvre toute la vallée.

Le temps de ranger leurs maigres bagages et de manger un repas chaud, les chevaux auront fini de machouiller leur foin et leur picotin.

Nous avons repris notre voyage. J'ai tout de même pu sortir de la taverne au bout de trois jours.

Nous sommes arrivés à Loches sans encombre ce matin. Nous sommes fatigués et avons hâte de rentrer en Bretagne. Quoique pour moi, j'ai un mal fou à quitter ma famille. Je me sentais si bien près d'elle. C'est une Chika vidée physiquement et moralement qui va rentrer à Fougères. Je n'ai plus goût à rien. Je suis Lindya et Abbar, Leny toujours collé contre moi. Il souffre énormément du voyage lui aussi. J'espère qu'il tiendra le coup jusqu'à Fougères.

Il est plus docile, il accepte dorénavant d'être attaché. Je vais lui faire goutter du chouchen à notre arrivée à Fougères. J'aimerais qu'il devienne un vrai breton et soit accepté par tous.

Abbar vient de nous annoncer une bien mauvaise nouvelle. Il ne peut continuer le voyage avec nous. Il part pour la guerre contre le Maine. Nous voilà effondrées Lindya et moi. Je ne peux m'empêcher de pleurer. Tant de "au revoir" : Stone, ma famille, et maintenant Abbar. C'est trop pour moi, je suis accablée par le chagrin. Je me blottis contre Leny et pleure toutes les larmes de mon corps.

Chika dormit toute la journée à l'hôtel, épuisée. Elle se réveilla le soir en meilleure forme, le repos lui avait fait du bien.

Elle se dirigea vers les écuries pour préparer les chevaux. Mais elle vit que Lindya avait déjà brossé et sellé les chevaux et nourrit Leny. Elle se demanda où la jeune femme pouvait puiser toute sa force. Il ne resta plus à Chika qu'à fixer ses affaires sur la selle.

Chika n'avait plus que la peau sur les os. Ses amies et amis ne la reconnaitraient plus. Son coeur et sa tête étaient toujours aussi vides. Elle ne savait plus quoi faire de son avenir. Elle savait que Lutecien l'attendait à Felger mais elle ne savait plus si elle avait envie de se marier et avoir des enfants, elle ne savait même plus si elle l'aimait encore.

Elles prirent la route le soir sous une tempête pour ne pas changer. Elles approchaient de Felger à grands pas.

Elles arrivèrent ce matin à l'ouest de Nantes sur un noeud. Elles laissèrent les chevaux se reposer et brouter ce qu'ils pouvaient trouver. Les deux femmes se substantèrent de pain et de fruits ainsi que Leny.

Et après une courte pause elles reprirent la route pour le nord-est de Rieux. Lundi elles seraient enfin arrivées à Felger.

Les jours passant, Lindya se trouve être de plus en plus à son aise avec les chevaux. Elle prend plaisir à les soigner, à les observer, émerveillée que des chevaux si puissants puissent accepter avec tant de bienveillance la presence de l'homme à leurs côté et les longues journées de labeur.

Elle apprend chaque jour à mieux conduire sa monture et chevauche à côté de Chika ou devant Zephyr qui se contente de suivre en somnolant, berçant sa cavalière absorbée dans de sombres pensées.



Le soleil pâle de décembre est revenu, faisant fondre vers midi le givre qui couvre les bruyères, les parrant de mille petite goutes etincellantes. Lindya est heureuse, elle se sent libre et impatiente de commencer sa nouvelle vie en Bretagne

Les deux cavalières chevauchèrent toute la nuit sous la pluie et le vent. L'hiver est la plus mauvaise période pour voyager en Bretagne. C'est la saison des tempêtes.

Juste avant que la pluie et le vent ne s'y mettent, Lindya et Chika traversèrent la ville de Rieux.



Rieux est une très jolie ville. Chika y retournera pour la visiter plus longuement.

Elles arrivèrent très tôt ce matin entre Rieux et Rennes où elles firent leur pause. Il est grand temps que le voyage se termine. Le temps est de plus en plus maussade. Le vent commence à nouveau à souffler très fort et la pluie se manifeste à nouveau.

La dernière ligne droite risque d'être très difficile et fatiguante avec cette grosse tempête qui s'annonce. Vivement que nous nous réfugions au chaud dans la taverne de Khatouna.

Chika ne pense plus qu'à des choses matérielles maintenant. Elle a hâte de retrouver sa maison, la rendre à nouveau présentable, y installer un nid douillet pour Leny et un box pour Zéphyr. Elle va se consacrer uniquement à ses deux amours de compagnon.

Lindya et Chika chevauchèrent de bonne allure toute la nuit. Elle sentait que leur but s'approchait de plus en plus. Les chevaux ne montraient aucune fatigue comme si ils le sentaient aussi.

Ils virent les lueurs de Fougères très tôt ce matin. On aurait dit un oasis dans le désert pluvieux et glacé.

Le coeur de Chika battait à tout rompre, enfin elle rentrait chez elle.

Tout le monde dormait encore, tout était calme. Chika déposa Lindya au Destrier bleu. Elle l'embrassa très fort et lui promit de venir la voir très bientôt.

Ensuite Chika, pressée de rentrer, retourna jusqu'à sa maison, son chez elle.